Deuxième partie : Sage tu deviendras

Lové dans une vallée étroite entourée des monts du Sobaeksan, le temple Guinsa nous ouvre ses portes pour expérimenter la vie monastique. Il est le siège de l’école Cheontae issue d’une branche du bouddhisme Coréen. Jadis la plus grande et la plus puissante des 18 écoles coréennes, elle compte aujourd’hui près de deux millions de fidèles. Le site s’étend sur plusieurs hectares et renferme d’immenses bâtiments pouvant accueillir dix milles visiteurs.

Alors en quoi consiste cette fameuse initiation à la vie de moine bouddhiste ?

Première étape ou plutôt épreuve, car oui, nous sommes loin des plages de sable blanc et des vacances paradisiaques. Vous savez, celles que la plupart d’entre nous se surprennent à rêvasser régulièrement lorsqu’il est 16h00 et que le brouillard hivernal ne s’est toujours pas levé.

 Première épreuve :

Grimper la montagne avec nos gros sacs pour atteindre l’entrée du temple. Là, nous sommes accueillis par une femme qui d’une voix tout à fait charmante nous demande de lui remettre nos téléphones (ça nous ne l’avons pas venu venir !) et nous prie de nous rendre dans les dortoirs pour enfiler nos uniformes. La dame nous rassemble en un unique petit groupe avec le reste des touristes occidentaux venus passer ces 24 heures de vie au temple. Mais qui sont ces autres drôles d’énergumènes s’organisant de telles vacances ?! Nous traversons le site à la queue leu leu, avec pendants à nos cous : une pancarte indiquant en Coréen notre prénom et notre nationalité. Nous montons des escaliers sans fin, jusqu’à finalement nous retrouver dans une immense salle de méditation. Au centre de celle-ci, entouré d’offrandes, est assis un bouddha doré de plusieurs mètres de haut.

Un jeune moine nous invite à prendre place au sol sur de modestes coussins afin de méditer. La méditation est suivie d’une séance de prosternations, cela consiste à se lever, puis s’incliner et finalement s’agenouiller et se prosterner : front contre sol. Le tout au rythme d’un gong. C’est après une quarantaine de prosternations que nous ressortons les cuisses en feu en direction du réfectoire. Tous ces efforts nous ont grandement ouvert l’appétit !

Deuxième épreuve : la cantine.

Bouillie de riz et kimchi[1].

À volonté.

Le soleil s’est couché et nous reprenons le chemin de nos dortoirs. Les filles avec les filles au premier étage, les garçons avec les garçons au second.

Pas de téléphone, le ventre à moitié vide, le dos fracassé à force de dormir à même le sol – la soirée est longue. Et la nuit, courte.

Troisième épreuve : Réveil à deux heures du matin.

Nous enfilons en vitesse notre uniforme et les yeux encore mi-clos nous gravissons la pente raide qui mène jusqu’au temple principal. Le souffle est court et l’effort intense.  Nous ne faisons pas les malins ! Il est tout juste deux heures trente du matin, et plus d’un millier de fidèles est déjà en place autour d’un gigantesque Bouddha, prêts à se prosterner – 180 fois.

Un gong retentit et annonce le départ de ce marathon nocturne.

Nous partons sur les chapeaux de roues malgré nos membres engourdis. Au fur et à mesure que les gongs raisonnent, des personnes ne se relèvent plus. Nous nous battons le plus longtemps possible en espérant y arriver bien que le challenge soit grand pour les novices que nous sommes. Finalement, l’honneur aussi fatigué que nos genoux nous autorise à nous arrêter en chemin. Éreintés nous reprenons notre souffle en attendant que les plus expérimentés passent la ligne d’arrivée.

Tout notre respect à ces êtres religieux qui accomplissent quotidiennement cette activité.

Une fois terminé, nous dévalons la pente en courant pour rejoindre notre dortoir !  

Quatrième épreuve : Débuter la nouvelle journée à six heures du matin avec le combo bouillie de riz et kimchi.

Le moine nous invite par la suite à une marche méditative en silence dans la forêt. Nous nous alignons à nouveau en file indienne, nos mains, l’une sur l’autre posées sur notre ventre.

Le décor est féerique. 

Nous terminons la matinée au temple en partageant une tasse de thé et remercions toute l’équipe pour l’expérience. Expérience spirituelle inoubliable, perdus au milieu de cet écrin de verdure. Un peu plus sages, nous redescendons la colline en direction de notre prochaine aventure… la capitale !  

La suite dans le prochain épisode : À Séoul tu t’enivreras


[1] Le kimchi est un mets traditionnel coréen composé de piments et de légumes lacto-fermentés, c’est-à-dire trempés dans de la saumure pendant plusieurs semaines jusqu’au développement d’une acidité. Un des plus connus est celui à base de chou chinois. (wikipédia)

%d blogueurs aiment cette page :