Cidade Velha : berceau d’un métissage humain et culturel d’une grande richesse.

  • Excusez-moi, vous savez où est-ce qu’on peut prendre un bus pour Cidade Velha ?
  • Vous en trouverez sûrement au marché de Sucupira.  

Nous prenons place dans un des mini-bus vide stationné le long d’un des plus grands marchés de Praia. Ravies d’avoir pu avoir des places sans trop attendre, notre joie est vite rattrapée par la réalité – le bus ne partira qu’une fois rempli. C’est une heure plus tard que celui-ci, au bord de l’explosion, démarre et prend la direction de notre destination. La ville se métamorphose rapidement en des paysages arides, typiques du pays. Puis après une vingtaine de minutes de funana[1] à fond dans les haut-parleurs, le bus entame, à travers une vallée verdissante, sa descente vers la mer.

La route bitumée laisse place à une rue principale pavée. Nous sommes arrivées à Cidade Velha. Les couleurs vives des maisonnettes qui nous entourent, contrastent avec les roches volcaniques qui pavent le village. Derrière nous sur la montagne, un fort surplombe le village et guette à l’horizon, l’océan qui s’étend face à nous. De jeunes hommes jouent au football sur la plage de sable noir lui aussi contrastant fortement avec les bateaux des pêcheurs, peints de milles couleurs.

Dans cette petite ville, la présence de reliques du passé que sont les églises, la forteresse royale et le pilori ornant la place publique nous projette 500 ans en arrière lorsque que les premiers navigateurs au service de la couronne portugaise accostèrent sur l’archipel. Ils trouvèrent dans cette vallée verdoyante de l’île de Santiago, un lieu propice pour ériger la toute première ville « sous les tropiques » nommée Ribeira Grande, puis plus tard, Cidade Velha. La naissance de cette ville marqua une étape décisive dans l’expansion européenne et dans la mondialisation des relations économiques, humaines, religieuses et culturelles.

Cidade Velha : Un comptoir commercial

Située au carrefour des routes menant aux différents continents, Cidade Velha fut une escale clé dans le commerce maritime international. Elle permit aux européens de faciliter les transactions avec la côte ouest africaine. C’est ainsi qu’à la fin du XVe siècle, les nouveaux arrivants avait fait de Cidade Velha un passage obligatoire pour ceux et celles qui s’intéressaient aux produits venants du continent africain. Et tout particulièrement de ses êtres humains.  

Cidade Velha : Une plateforme esclavagiste

Première plateforme intercontinentale alimentant le vaste commerce des esclaves entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques, c’est au port de Cidade Velha qu’ont embarqué près de 4 millions d’esclaves africains. C’est ici, qu’ils devinrent le principal produit d’exportation faisant de la ville un lieu incontournable de souvenir pour celles et ceux dont le passé est lié au commerce transatlantique des esclaves.

Cidade Velha : Un centre religieux

La ville fut également un point de départ important dans l’expansion du christianisme à travers le diocèse de Ribeira Grande en 1532 qui étendit son influence jusqu’en Côte d’Ivoire.

Cidade Velha : Le berceau de la culture créole

Nous pouvons bien imaginer que ces nombreux échanges sous toutes ses formes ont fait de Cidade Velha un lieu tout à fait unique. C’est ici, au carrefour des routes du monde et des rencontres interculturelles entre l’Europe et l’Afrique qu’est née la première culture créole.

Nous retrouvons profondément enracinées dans la culture créole capverdienne les influences du continent africain à travers sa musique, sa danse, mais aussi dans sa langue et dans ses arts culinaires.

La société capverdienne est ainsi née de la rencontre entre plusieurs mondes.

Cidade Velha fut la capitale du pays jusqu’en 1858, puis céda sa place à Praia.

Cidade Velha, berceau d’un métissage humain et culturel d’une grande richesse est aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco.


[1] Le funaná est un genre de musique et une danse traditionnelle du Cap-Vert.


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